Le système de la tireuse n'est pas réservé qu'à la bière, bien au contraire !
L'entreprise Les Assembleurs, fondée en 2018 et spécialisée dans la production de vin et la distribution en fût, compte bien y prendre part. Disposant d'un chai de vinification à Langale, près de Nîmes (30), et d'un chai de mise en fût à Orange (84), les Assembleurs proposent les trois couleurs de vin. Ainsi, 20 références composent leur gamme en Languedoc, Côtes-du-Rhône et Mâcon Village, mais également en monocépages comme le chardonnay et le viognier en blanc, la syrah, le merlot et le cabernet sauvignon en rouge. Antoine Oran, fondateur des Assembleurs, qui a également ouvert en 2019 à Lyon un restaurant au nom de l'entreprise, annonce pour les restaurateurs choisissant son offre une augmentation des ventes de vin de 20 à 35%. Grâce au vin en fût, le fondateur indique un coefficient de vente de 5,35 pour un prix TTC client inférieur à la concurrence et un produit 20% à 40% moins cher qu'un vin de qualité équivalente en bouteille. «David, notre œnologue, a fait de la vinification en Australie, où la consommation du vin en fût est plus répendue, c'est lui qui m'a parlé des avantages de ce contenant», indique Antoine Oran.
L'entreprise a choisi Keykeg, une poche en plastique opaque accueillant le liquide, elle-même contenue dans un bonbonne également en plastique.
Ces types de fûts ne nécessitent pas de gaz pour la distribution de la boisson. Le tirage s'effectue grâce à l'envoi d'air comprimé dans la bonbonne, ce qui compresse la poche située à l'intérieur et permet le service. «Nous mettons nous-mêmes nos vins en fût, avec le développement d'une machine. Le choix du Keykeg est un parti pris. Cette technique, accompagnée de notre savoir-faire, permet de garder le vin trois ans en fût et six mois une fois branché», assure Antoine Oran. Le fût, grâce aux durées de conservation beaucoup plus importantes par rapport au BIB ou à la bouteille, permet aux professionnels d'être plus flexible et de limiter les pertes. «Le cubi tient une semaine après ouverture et pour la bouteille, le problème est que si on ne vend pas le produit dans les 3-4 jours, il part à la poubelle», atteste ainsi Jean-Baptiste Hausséguy, à la tête de l'Aéro, à Bron, et du bar à bières Les Fleurs du Malt, à Lyon (69). Ainsi, Antoine Oran vante le contenant qu'il utilise pour ses boissons en assurant que «le vin évolue très peu, il est quasiment en pause». Ce que confirme Tony Bonnardel, patron du Bar de l'Hôtel de Ville, à Vienne (38), et créateur de la microbrasserie Vienne Brewing Company. «En fût, il y a très peu d'oxydation», constate-t-il, ce qui lui offre la possibilité de proposer du vin au verre dans son bar à bière, «n'ayant pas un gros débit» dans cette boisson.
De ce fait, une grande liberté est laissée quant à la quantité à servir.
"Au verre, au quart de litre, au demi-litre ou encore au litre. C'est pour cela que Laura Stamatiou, directrice du restaurant Café Ginette, situé à Toulouse (31), a adopté cette technique. Elle cite un autre intérêt du vin en Keykeg : écologique. «Le plastique est entièrement recyclable, je peux donc le trier. Ce qui nous correspond parce que nous nous inscrivons dans une démarche écologique, nous évitons les déchets en plastiques et nous compostons», détaille-t-elle. [...]
Ce contenant permet aussi un gain de temps au restaurateur.
Au lieu d'aller chercher une bouteille, de la déboucher et de la servir, un simple tirage est nécessaire pour le vin à la pression. Laura Stamatiou du Café Ginette, a relevé une augmentation de ses ventes et de ses marges sur le vin, «tout en restant à des prix attractifs pour les consommateurs», avec un verre compris «entre 3,50 et 4€». Antoine Oran des Assembleurs prévient toutefois : «C'est un parti pris de ne pas trop onter en gamme parce qu'à partir d'un certain prix, les gens s'attendent à une bouteille.
D'ailleurs, les deux contenants ne sont pas forcément concurrents et peuvent se révéler complémentaires dans l'offre du restaurateur avec par exemple des bouteilles réservées aux grands crus.
Si le vin en vrac a parfois mauvaise presse, c'est à cause de l'image négative du cubi, associée à de la boisson de basse qualité. Néanmoins, les retours des clients qui ont consommé dans les établissements proposant du vin à la pression se révèlent positifs. «Cela les intrigue, avoue Jean-Baptiste Hausséguy de l'Aéro. Donc nous leur expliquons. Mais nous proposons au client de goûter et le débat s'arrête alors de lui-même. Je pense que c'est une solution qui a de l'avenir.» Dans son établissement, Laura Stamatiou a elle aussi choisi la pédagogie avec ses clients, en organisant une soirée événement lors de l'installation de la tireuse à vin et en prévoyant des ardoises sur le bar et des encarts dans le menu détaillant les nombreux avantages. Une méthode qui a vraisemblablement porté ses fruits. «Aujourd'hui, il n'y a plus besoin d'en parler aux clients, nous avons un public friand de vin à la tireuse», déclare-t-elle. Du côté de Tony Bonnardel du Bar de l'Hôtel de Ville à Vienne, les clients ne prêtent même pas attention au changement : «L'écrasante majorité des gens ne se posent pas la question. Ils demandent par exemple un verre de côtes-du-rhône, tout simplement.» Finalement, les vins proposés en fût, comme les bières, ne sont pas synonymes de produits bas de gamme. [...] Antoine Oran conclut sur l'utilité de ce mode de consommation : «La volonté était de recruter de nouveaux consommateurs de vin, en s'inspirant des codes des brasseries, pour rendre le vin plus accessible et plus fun. Avec la bière il n'y a pas de complexes.» Le pari est en passe d'être réussi.